Les Leclanché, une famille dans la Résistance

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Edmond Leclanché a reçu les insignes d’Officier de la Légion d’Honneur des mains de Raymond Aubrac, en présence de Serge Godard, Sénateur-Maire.

"En 1939, j’avais vingt-et-un ans, ma sœur vingt-deux et mon frère dix-huit. A la mobilisation, j’étais danseur acrobatique. J’ai intégré la troupe théâtrale divisionnaire sous les ordres du général Delattre de Tassigny, à Albi. Là, j’ai refusé de chanter : "Maréchal nous voilà !". J’avais déjà l’esprit résistant. Novembre 1942. Retour à Clermont-Ferrand et tournées théâtrales, avec distribution clandestine de médicaments. Pour échapper au STO, mon frère Camille a pris le maquis comme de nombreux jeunes et suivi toutes les péripéties du premier corps-franc. Un jour, j’ai agressé le directeur de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme (L.V.F.) devant l’actuel cinéma Le Paris. J’étais recherché désormais. J’ai donc rejoint le maquis au sein du mouvement Combat, dans une équipe volante du service de renseignements, sous les ordres de Gaspard. C’est lui qui m’a donné mon nom de guerre, Antonio. Avec Georges Raynaud (Fernoël), nous avions une couverture de commerçants marseillais ambulants et nous vendions des tissus.

Le Bureau central de renseignement et d’action (BCRA) nous aidait. Une vie dangereuse : nous avons perdu six hommes sur neuf. Le 15 janvier 1944, mon frère a été arrêté avec Raymond Labaune (Irma) à La Bourboule, à cause d’une malencontreuse panne de voiture. Les deux responsables du sabotage sur toute l’Auvergne étaient pris ! Labaune a pu s’échapper, pas Camille. La police française l’a remis aux mains de la Gestapo de Vichy, où opérait le sinistre tortionnaire Hugo Geissler. Alors qu’elle apportait du linge à son frère, ma sœur Simone, agent de liaison, a été arrêtée et déportée. Il fut impossible d’organiser l’évasion de Camille. Que s’est-il passé? Personne ne l’a revu, personne n’a su. J’ai pris sa place au service sabotage. Il fallait harceler l’occupant, le démoraliser. Nous nous déplacions constamment. Nous avons fait le petit peu nécessaire pour aider les Alliés.

Dans la nuit du 28 février au 1er mars 1944, nous avons couché à l’hôtel du commerce de Volvic. Opération de police. Toute la famille Martinon a été arrêtée, déportée. Nous nous sommes sauvés, avons été poursuivis, tirés. J’ai couru en tenant ma canadienne ouverte et cette précaution m’a sauvé. J’ai compté onze trous dans le tissu. Moi, je n’ai eu qu’une blessure légère. La chance ! "Son costume est couleur de billard" : Radio Londres diffuse enfin le message attendu, qui annonce le débarquement. Comme convenu, nous avons intensifié les sabotages des voies ferrées : quatre-vingt dix-sept coupures dans la nuit du 6 juin 1944, pour retarder les convois d’hommes et de munitions et la progression de l’ennemi. Mission accomplie."

A la Libération, Tonio reprend ses tournées théâtrales, puis ouvre un commerce et démarre une belle carrière sportive en lutte gréco-romaine : champion d’Auvergne en 1946, dix fois finaliste pour les championnats de France, une cinquième place à la coupe du monde à Moscou en 1957, un poste d’arbitre international pendant vingt ans et depuis, le militantisme pour le devoir de mémoire. Une vie bien remplie. Pour tous, il est resté Tonio.