Le Général Boulanger - Rebelle et amoureux

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H.Meyer a dessiné le départ du général Boulanger du Quartier général. Le dessin est paru dans "Le petit journal illustré" du 1er avril 1888 et dans "Histoire de Clermont-Ferrand", de Georges Manry. Au premier plan, on remarque la fontaine d’Amboise qui, à l’époque avait élu domicile sur le cours Sablon.
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Le général Boulanger et Madame de Bonnemain. Cette image illustrait la couverture du livre de Jean Ajabert, "Les amants de Royat ".

En raison de sa popularité, de ses idées et de ses réseaux d’influence, le général Boulanger représentait un danger pour le gouvernement. Il fallait donc l’éloigner des affaires. Un décret l’expédia à Clermont pour qu’il y prenne le commandement du 13e corps d’armée. Il y fut reçu officiellement le 11 juillet 1887. Tandis que ses amis parisiens s’émouvaient d’une "déportation dans les montagnes d’Auvergne", le général aménageait une vie clandestine aux côtés de Marguerite de Bonnemain. L’hôtel des Marronniers, tenu par Marie Quinton, "La belle meunière", abritait leur nid d’amour. L’hôtesse confiait à son journal : "Maintenant, mon opinion est faite. Cet homme aime cette femme autant qu’il est possible d’aimer. Il est tout à elle, il ne vit plus que pour elle. Elle fera de lui ce qu’elle voudra. Si elle l’aime pour lui plus que pour elle-même, elle le rendra grand. Sinon, il est perdu".

Le général ignorait que les agents de la Sûreté générale l’espionnaient sans relâche et savaient tout de son abri secret. Bien renseigné, le "Petit Clermontois" publia la nouvelle : le général a passé quelques jours à l’hôtel des Marronniers en compagnie d’une dame blonde ! Un titre énorme, des sous-titres flamboyants et un récit détaillé ! "Le Moniteur du Puy de Dôme" jugea l’information fantaisiste. Le "Petit Clermontois" paria cinq cents francs avec son concurrent en s’engageant à verser cette somme aux pauvres s’il s’était trompé. Le débat faisait (déjà) rage : les journalistes ont-ils le droit d’entrer dans la vie privée de leurs concitoyens ? Le "Petit Clermontois" doubla la mise, mais le "Moniteur", enfin mis au parfum, esquiva le coup. Pendant ce temps, le général avait rejoint Paris, s’était battu en duel, avait été blessé, obtenu quelques succès politiques, mais il recula devant la prise du pouvoir. Les deux amants revinrent à plusieurs reprises dans leur auberge favorite, s’y croyant à l’abri de tous les regards. En fait, elle fit l’objet d’une surveillance constante pendant deux ans. Mais l’histoire se brisa.

Le 16 juillet 1891, Marguerite décéda de la tuberculose. Marie Quinton reçut un pli du général : "Écrivez-moi de temps en temps, ma bonne Meunière. Parlez-moi d’Elle, cela me fera du bien. Et pensez à moi qui aie été le plus heureux des hommes et suis aujourd’hui le plus malheureux". Deux mois et demi plus tard, le général désespéré se suicida sur la tombe de sa maîtresse, en Belgique. Il n’y eut pas de discours. "Déroulède jeta simplement sur le cercueil du proscrit un peu de terre de France. Puis, le caveau des deux amants a été fermé". Ainsi se termine "Le journal de la belle Meunière", qui a écrit le récit détaillé de cette relation dans un livre. L’hôtel-restaurant de Royat porte maintenant son surnom.