Drame au cirque brésilien

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Grande et mince, blonde avec des yeux troublants, l’écuyère-baronne produisait une forte et dangereuse impression partout où elle passait.
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"Les saltimbanques", de Gustave Doré, 1874, collection du musée des Beaux-arts. Cette scène aurait très bien pu être saisie sur la place de Jaude.

Tous les ans, la foire s’installait sur la place de Jaude et au fond de Jaude plusieurs mois par an. C’était une vraie fête populaire qui mélangeait le théâtre, le music-hall, le cinéma, la magie, les jeux forains, les orgues à vapeur et le cirque. Funambules, lutteurs, diseuses de bonne aventure, femmes géantes et dompteurs se succédaient sur des scènes de fortune.
En 1893, une belle écuyère y présentait son numéro, au cirque Pierantoni. A vingt-huit ans, elle montait un superbe étalon de Hongrie à robe tigrée, produisant partout une forte impression.

Eugénie Weiss (c’était le nom de l’écuyère), baronne de Rahden, était la fille d’un agent de change russe ruiné et l’épouse du baron de Rahden, un noble déclassé qui avait été chassé de l’Armée russe. Elle les traînait tous les deux à la suite sur toutes les scènes d’Europe, en compagnie d’un troisième personnage, Castenkiold. Car pour les beaux yeux de la belle, qui, paraît-il, brillaient d’un éclat sombre, le lieutenant danois s’était fait embaucher comme écuyer dans le même cirque qu’elle. Mari et amoureux se battirent. Le baron déchargea son revolver sur l’infortuné amant qui mourut dans sa chambre au 55, rue du Cheval Blanc. Là on découvrit les photographies de la belle écuyère, ainsi qu’une correspondance déjà ancienne. Arrêté, le baron se déclara néanmoins certain de la vertu de sa femme. Aux assises du 4 décembre 1893, les jurés examinèrent son cas avec bienveillance et ils prononcèrent son acquittement. Le baron devait néanmoins mourir à la suite d’une autre histoire tragique.

Artiste jusqu’au bout, la belle baronne de Rahden écrivit  "Le roman d’une écuyère". Celui de sa vie. En 1898, se produisit "le transfèrement de la foire", mais aussi des cirques, vers la place des Salins. Plus tard, ils déménagèrent sur la place du 1er mai.