Bibendum for ever.

Les premiers pas de Bibendum furent turbulents. Sa première apparition publique au Salon du cycle fit scandale. Dans la carcasse du personnage, un bonimenteur vantait les mérites du pneu Michelin avec une telle voix de stentor qu'il irrita son concurrent et voisin, le fabricant de pneus Oury. Ce dernier demanda à  la police d'intervenir, mais la victoire revint à  Bibendum. Désormais doté d'une forte personnalité, excessive et enthousiaste, il devint l'emblème de l'entreprise Michelin, pour toujours. Dès sa naissance, le personnage fut livré à  un grand nombre d'artistes, notamment au dessinateur O'Galop, auquel il inspira des centaines de dessins et qui le dota d'un tempérament farceur.

En 1901, en pleine vogue de l'hygiénisme, il imagina un Bibendum gymnaste en culotte d'athlète. Dans les années suivantes, les graphistes italiens affinèrent sa silhouette, et leurs collègues britanniques lui imprimèrent une allure plus virile. Par la suite, son grain de folie se tempéra, sa tête s'arrondit, il rajeunit, changea de lunettes, pratiqua tous les sports, du rugby à  la pelote basque, devint un géant manipulant le monde, véritable démiurge doté d'une vive intelligence, et endossa les uniformes d'apparat de tous les puissants de la planète (Napoléon, Pharaon, Balthazar), se conformant aux usages nationaux.

Le voici maestro en Italie, Sir en Grande-Bretagne et torero en Espagne. La deuxième guerre mondiale lui porta un coup terrible. Dans les années cinquante, on le disait fini, vieilli et démoli, mais c'était sans compter avec sa vitalité légendaire. Pendant l'été 1963, il créa la surprise en accompagnant les vacanciers sur les plages et en animant avec succès les jeux de leurs enfants. Depuis, il n'a cessé de rebondir et de rajeunir, constamment en phase avec l'air du temps. Récemment, il a encore minci. Longue vie à  vous Monsieur Bibendum !