benoit allemane

Benoît Allemane

"Morgan Freeman ne me quitte jamais"

Natif de Clermont, Benoît Allemane, 82 ans, est comédien. Son nom ne vous dit peut-être rien. Et pourtant sa voix grave vous accompagne depuis plusieurs décennies. Véritable légende du doublage, il est la voix française de l’acteur américain Morgan Freeman. Mais il est ou a été aussi, à tour de rôle, le père Noël, Dieu, Babar, le narrateur dans de multiples films et documentaires, Charlie le coq… Jingles radio, jeux vidéo, publicités, rien ne résiste à son imposant timbre de voix.

Benoît Allemane

 

 

Bio express

 

1942 : naissance à Clermont-Ferrand

1960 : entre à l'École du Théâtre national de Strasbourg

1986 : joue sur scène dans Le Tombeur de Robert Lamoureux aux côtés de Michel Leeb

1991 : double pour la première fois Morgan Freeman dans Robin des Bois, prince des voleurs

2011 : double César dans La Planète des singes : Les Origines

Nous savons que vous êtes né à Clermont-Ferrand, mais quels sont vos liens avec notre ville ?

Benoît Allemane / Je suis né en 1942 pendant la guerre. Mes parents avaient quitté Nancy, et étaient venus habiter à Riom : les hasards de la guerre ont fait que je suis né dans une clinique de Clermont-Ferrand. Mes parents sont repartis en 44-45. Malheureusement depuis, je ne connais de Clermont que les quelques haltes que je fis en tournée. Je suis revenu une dernière fois, il y a trois ans, pour l’inauguration d’une librairie magnifique. Clermont est une ville fort jolie, un peu noire du fait de la couleur des pierres volcaniques, mais j’aimerais bien la connaître un peu plus profondément.

En quelques mots, comment êtes-vous devenu comédien ?

C’est une affaire tout à fait lamentable (sourire). J’étais un cancre parfait jusqu’au jour où une bonne âme, amie de la famille, a dit à ma mère : « Votre fils, ça lui ferait du bien de faire du théâtre.» Ma mère a pris contact avec une compagnie de Nancy très renommée, dont l’animatrice était  aussi professeur de diction et d’élocution à l’école du Théâtre national de Strasbourg. À 16 ans, mon seul bonheur a été dès lors de jouer des petits spectacles, le samedi ou le dimanche, avec cette compagnie. C’est devenu une passion. Puis j’ai passé le concours à Strasbourg, et j’ai été pris. Après trois ans d’études assez dures là-bas, j’ai rejoint le Centre national d’art dramatique à Rennes, avant de m’installer en 64-65 à Paris. La vie s’est faite comme ça : j’ai joué une quarantaine de pièces de théâtre, une trentaine de fictions pour la télévision, un petit peu de cinéma, et puis le doublage est venu s’ajouter à mes activités.

Justement, comment avez-vous basculé vers le doublage ?

Ma première expérience, dans les années 60, m’a fait très peur. Je pensais que ce n’était pas pour moi. Mais dans les années 70, en me  doublant moi-même pour la télévision pour des scènes tournées en extérieur, j’ai compris la technique. J’ai commencé à mettre un pied dans le doublage et à avoir accès à des rôles de plus en plus importants.

Comment êtes-vous devenu la voix de Morgan Freeman ? comment avez-vous évolué avec lui ?

Un jour, un studio m’a appelé pour me proposer un essai : les Américains voulaient changer la voix de Morgan Freeman. J’ai été choisi. C’était un cadeau évidemment. Un de mes premiers films a été Les Évadés (1994). Sinon, à force de voir un comédien sur un grand écran, vous voyez son jeu, vous vous nourrissez de lui. Vous essayez d’apporter la même sincérité, le même rythme, la même respiration. Il n’est pas question de faire autre chose. Malheureusement, je n’ai pas eu la chance de rencontrer Morgan Freeman même si j’ai été indirectement en contact avec lui. Mais il ne me quitte jamais, vous savez. À chaque fois que je reçois un coup de fil pour du boulot, on me demande de prendre la voix de Morgan Freeman (sourire). Je réponds oui, bien sûr, je vais la prendre, c’est la mienne !

D’ailleurs, est-ce qu’on vous reconnaît souvent à votre voix ?

Oui, tous les jours (sourire). C’est amusant et ça fait plaisir. Une petite anecdote : un jour, en allant dans un studio en banlieue, je me casse un ongle dans le métro. Je m’arrête dans une pharmacie pour acheter un coupe-ongles. Je demande combien je dois à l’homme qui tenait la pharmacie. Il me répond : « Rien, monsieur, vous avez tellement bercé mon enfance ! » Qu’est-ce que vous voulez répondre à cela ?

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