L'Université de Strasbourg à  Clermont-Ferrand

L’armistice a été signé, l’Alsace et la Lorraine annexées au Reich. Faut-il revenir au pays ? Quelques Alsaciens et Lorrains rentrent. Acte de foi ? Signe de lucidité ? En dépit des pressions dont ils sont l’objet de la part des autorités allemandes soucieuses de reconstituer l’Université à Strasbourg (*), la majorité d’entre eux reste en Auvergne.

Bientôt les expulsés viennent grossir leurs rangs, patriotes, juifs, gitans et personnes originaires de l’empire colonial. Au fil des jours, ils sont rejoints par les évadés fuyant la nazification de leur région et l’enrôlement forcé dans les organisations fascistes, puis dans le service militarisé du travail. Inquiets malgré "l’assurance de la haute protection du Maréchal Pétain", quelques étudiants suggèrent à leurs doyens un repli tactique en Algérie ou au Maroc. Une idée jugée fantaisiste à l’époque et pourtant !

Après novembre 1942, cette hypothèse ne sera plus envisageable. De fait, Hitler a planifié l’anéantissement de l’Université de Strasbourg. Il veut ramener dans le Reich "les cinq cents étudiants évacués, ainsi que le corps enseignant de l’Université de Strasbourg à Clermont-Ferrand, qui constitueraient un foyer tout particulier d’activité anti-allemande". Au cours des interrogatoires ultérieurs, on leur reprochera même d’avoir inspiré la Résistance auvergnate. Excessif, mais les contacts existent dès le début et se développent. La répression guette les réfugiés.

Le 24 juin 1943, le résistant Georges Raynaud (alias Fernoël) est pris dans une souricière et abat deux Allemands. Immédiatement, la Gestapo lie cette affaire à l’Université de Strasbourg. Le soir-même, une soixantaine de SS encerclent le foyer la Gallia, conduisent ses occupant dans la prison du 92e régiment d’infanterie, avant de les transférer à la prison centrale de Moulins. Les Juifs partent vers Drancy et Auschwitz. Aucun n’a survécu. Presque tous les autres sont transférés à Buchenwald.

Le 25 novembre 1943, à 10h30, les soldats encerclent le bâtiment universitaire de l’avenue Carnot, réunissent de force étudiants et enseignants (environ cinq cents personnes). Un certain Mathieu, soi-disant étudiant et une jeune allemande surnommée "la panthère" dirigent l’opération, contrôlent les identités, le départ en camions vers la prison du 92e régiment d’infanterie, sélectionnent ceux qui peuvent partir et ceux qui doivent rester. Trente pour cent restent sous les verrous, parmi lesquels les juifs, les étrangers et de nombreux strasbourgeois. Transferts, déportations. Beaucoup n’en sont pas revenus. Le réalisateur Barcha Bauer, auteur d’un documentaire sur les résistants de la région, a retrouvé et interviewé les témoins et acteurs de ce drame. Son prochain film sera consacré à l’Université de Strasbourg.