L'attentat de la place Poterne

Illustration
La rue Montlosier. Les escaliers n'existaient pas encore et le monument aux morts n'avait pas été édifié. A droite, on voit l'immeuble de la rue Claussman, qui fut incendié et sur lequel une plaque commémorative a été apposée, à l'angle des rues Claussman et Beauregard.

En 1944, Paul Barraire avait seize ans. Il faisait partie des F.T.P. Témoin, mais aussi acteur engagé dans les événements qui ont déchiré cette époque, il apporte aujourd'hui son témoignage. "Les soldats, qui appartenaient à l'armée d'occupation, venaient de l’ancienne caserne du 92e régiment d'infanterie, la cité administrative actuelle, et se dirigeaient vers le centre ville, pour assister à une séance de cinéma, sur la place Chapelle de Jaude, notre actuelle place de la Résistance. Il était environ 19h. C'était une nuit sans lune et l'éclairage public était réduit au minimum (1). Trois grenades quadrillées rouges, d'origine anglaise, atteignirent le détachement allemand, à partir de la place de la Poterne. "Combien y a-t-il eu de morts du côté allemand? Nous ne l'avons pas su" (2).

Les représailles furent immédiates de la part des officiers et de la Feldgendarmerie qui encadraient les troupes, les seuls à être armés ce soir-là : mitraillage du square, incendie de la maison suspectée d'avoir abrité les terroristes, arrestations et déportations d’innocents, couvre-feu en ville. Les résistants avaient longuement préparé leur affaire et effectué un repérage attentif des lieux. Une fois les grenades lancées, ils ont dû faire vite. Ils ont dévalé la rue Claussmann en bicyclette, coupé la rue Montlosier en direction de la rue Urbain II, emprunté la rue de la Selette pour déboucher place des Carmes. De là ils sont derrière la Mission Michelin, puis vers les anciens abattoirs, (actuellement place Turgot), ont rejoint les pistes Michelin en passant devant l'usine Catarou, pour arriver, enfin, à la Plaine, où ils habitaient. Ils ont toujours souhaité conserver l'anonymat. Par la suite, l'opportunité de cet attentat a été diversement appréciée et commentée.

Les résistants impliqués avaient probablement pris cette initiative de leur propre chef, en dehors des états majors. Mais ils ne cherchaient pas à provoquer de morts. Dans leur optique, il fallait déstabiliser l'ennemi, le démoraliser et créer chez lui un sentiment d’insécurité, tout en affirmant la présence de la Résistance. "De fait, pour la première fois, les troupes d'occupation ont senti peser une menace capable de mettre des vies en jeu, et ceci en pleine ville". La tension devint intense dans les mois qui suivirent. Attaques et représailles se multiplièrent. Le 27 août 1944, les troupes d’occupation quittaient la ville sans combat.