L'attentat de la place de la Poterne : souvenir d'un enfant de sept ans

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Plaque commémorative apposée au n °14, place de la Poterne
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Paul Dauzat, aujourd'hui
 

Orphelin de mère, Paul Dauzat fut confié par son père, à un oncle et une tante logés au deuxième étage du n°14 de la place de la Poterne. Le bâtiment placé à l'angle des rues Claussmann et Beauregard surplombait la rue Montlosier.

A cette époque, la place de la Poterne était couverte de tranchées ce qui nous permettait de nous mettre à l'abri pendant les alertes. Il était environ vingt heures ce mardi 8 mars 1944. Il n'y avait personne dans la rue à cause du couvre-feu. Nous avons entendu une grosse détonation qui semblait venir de la rue Montlosier. Quelques minutes plus tard, nous avons senti une odeur de brulé. Quelqu'un a crié "au feu". Le bâtiment commençait à brûler.
Un attentat contre des Allemands qui descendaient en formation vers le cinéma Le Novelty, rue Fontgiève, venait de se produire. Les Allemands envahirent la place, entrèrent à l'entresol de notre bâtiment, tuèrent le chien, firent sortir les propriétaires, M. et Mme Bompart, puis lancerent des plaquettes incendiaires dans le couloir. Les escaliers étant en feu, nous ne pouvions plus descendre.

Sur le même palier que nous, habitaient M. et Mme Danglard qui étaient Suisses allemands, réfugiés en France depuis 1940. Leur appartement possédait un balcon dominant la rue Claussmann où nous avons pu nous réfugier. Mme Montmea qui habitait à l'étage au-dessus vint nous rejoindre avec son fils, récemment évadé d'un camp de concentration. Nous étions alors sept personnes bloquées sur le balcon.
M. Danglard demanda en allemand à un officier de nous laisser descendre. Mais celui-ci lui répondit : "Débrouillez-vous tout seuls". Les pompiers étaient bloqués par les Allemands, place Gaillard.

Deux personnes nouèrent des draps pour nous permettre de descendre. M. Montmea descendit le premier, puis moi. Lorsque ce fut le tour de Mme Montmea, personne âgée assez forte, les draps se déchirèrent et elle s'écrasa sur le trottoir, les quatre membres brisés. Je me souviens l'avoir vue allongée sur un banc en attendant les secours. Les Allemands ont alors laissé passer les pompiers qui arrivèrent avec deux morceaux d'échelle raccordés avec une corde, ce qui permit aux autres personnes de descendre. Je fus pris en charge par les agents de police de la rue du Port qui me conduisirent au commissariat.

Rue Montlosier, le cercle Saint-Louis qui abritait des étudiants fut envahi par les Allemands et tous les jeunes furent déportés. La maison du n°10 de la place de la Poterne fut incendiée elle aussi. Dans cet immeuble, une dame a voulu récupérer un manteau mais elle est tombée dans le brasier. Par contre au n°12, la maison a été épargnée car elle était un lieu de rendez-vous des officiers allemands. Les Allemands triaient les piétons de la rue Saint-Hérem en plaçant les jeunes d'un côté pour les déporter et les plus âgés de l'autre.

Quelques heures plus tard, mon oncle et ma tante m'ont rejoint au commissariat. Les agents nous ont pris en charge pour nous conduire chez mon pere qui habitait 23, allée nord a la Raye-Dieu. Sur le trajet, nous avons été arretés de nombreuses fois par les patrouilles allemandes. Le lendemain, mon oncle a pu récupérer un coffre et les restes d'une pendule, objets que je garde en souvenir.

Le jeune garçon fut aussi témoin en mai 1944 de l'assassinat, boulevard Lafayette, d'un chef de la milice de Clermont-Ferrand. Cet attentat aura pour conséquence l'exécution de trois jeunes maquisards dans le quartier des Neufs-Soleils.