Quand Clermont battait monnaie

Illustration
La tour de la monnaie a laissé son nom à une rue proche de la cathédrale. Dessin de Revel, 1450.

En fait, le monnayage clermontois remonterait à des temps plus anciens. Selon Winebrand et Savaron, on frappait déjà monnaie dans le capitole d’Augusto-Nemetum à l’époque gallo-romaine. Plus tard, les souverains carolingiens ont maintenu cette activité - au milieu du IXe, Charles le Chauve établit huit hôtels des monnaies dont un figurait à Clarus Mons (1) -, mais elle cessa pendant plusieurs dizaines d’années.

L’an mille, époque instable et obscure, a suscité la peur de la fin du monde. Guillaume, comte d’Auvergne, qui avait probablement beaucoup à se faire pardonner, octroya à l’évêque Rencon et au chapitre cathédral le droit de battre monnaie, de recevoir les émoluments et profits attenants et de rendre justice dans l’enceinte de l’atelier. Cette juridiction était désignée sous le nom de Cour de la monnaie.

L’acte de donation stipulait aussi que la première pièce d’or ou d’argent qui se battrait tous les lundis devait revenir à l’abbaye de Saint-André, à condition qu’elle célèbre un office pour la confrérie des monnayeurs. Pendant deux siècles, la monnaie de Clermont a servi de façon usuelle en Auvergne, même si d’autres espèces circulaient aussi. Philippe Le Bel, qui voulait imposer son autorité aux féodaux, ouvrit un atelier royal à Montferrand (2) et les "barons" clermontois furent bientôt supplantés par les "tournois".

Notre monnaie déclina. En 1532, François 1er ordonna la suppression du droit de battre monnaie à tous les barons et prélats de France. Une certaine activité se maintint pourtant. L’atelier épiscopal fut remplacé par un atelier royal au service de Henry IV, de 1591 à 1594 et par une succursale de Limoges de 1792 à 1794. La Tour de la monnaie (3), qui surmontait la porte ouest de la cité, abritait l’atelier. Le dessin de Revel (1450) laisse imaginer une tour carrée, crénelée sur deux niveaux et entourée de petites tours, où résidait le maître des monnaies qui dirigeait la confrérie des monnayeurs (4). Une énorme arcade servait de passage à la rue. On peut supposer que cet ensemble appartenait à une sorte de château fortifié ancien, dont on ignore tout. Lorsque son activité monétaire déclina, la tour, qui était très vaste, servit aussi de salle d’audience pour les tribunaux civil et ecclésiastique et de prison.

Vers 1310, des templiers y auraient été enfermés, ainsi que six capitaines anglais en 1385. Sur le plan de Fusier (1570), elle ne possède plus qu’un seul étage crénelé et deux étages de fenêtres. Le reste des défenses a disparu. Un plan datant 1725 la montre comme un vieil édifice lézardé, qui s’écroule le 15 septembre 1727 en écrasant plusieurs maisons, tuant plusieurs personnes, causant de graves dégâts. Une rue proche de la Cathédrale, reliant la rue Philippe Marcombes à la place du Mazet, porte encore son nom, perpétuant ainsi le souvenir de cette activité autrefois florissante. Mais il n’en reste plus de traces apparentes.